Les élections menées en Grèce au cours de l’été 2015 témoignent d’un fait historique majeur. Elles ont montré l’incapacité d’un gouvernement pleinement plébiscité par son peuple à mettre en œuvre les lignes directrices d’un programme ouvertement orienté contre la politique d’austérité européenne.
En dépit d’un référendum et d’une élection reconduite, le premier ministre grec Tsipras a été obligé de plier aux injonctions européennes. En acceptant d’imposer un troisième plan de rigueur à son peuple, le chef de file du parti Syriza a clairement manqué son rendez-vous avec l’histoire.
Par cet événement, l’Europe institutionnelle a réaffirmé son profil, celui d’une machine ennemie des peuples. D’autres faits valident cette affirmation.
Une élite déconnectée, soucieuse de ses seuls intérêts
Dans un contexte de coupe budgétaire (au nom du remboursement des dettes souveraines) et de recul social, 55 000 eurocrates recevront en 2016 une prime assortie d’une augmentation salariale de 2,4%.
Un cadeau qui selon le Times va coûter quelques 100 millions d’euros aux contribuables européens.
D’après Express Business, cette augmentation portera le salaire annuel du président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker, à quelques 314 000 euros… Une inopportune et indécente gratification alors qu’Oxfam annonçait en septembre 2015 que 123 millions d’européens s’approchaient du seuil de pauvreté (= revenu inférieur à 977 euros).
Une institution peu intéressée par la santé publique
L’industrie automobile a connu en 2015 son pire scandale avec l’affaire des moteurs truqués (le constructeur Volkswagen réduisait frauduleusement et artificiellement le taux d’émission polluante de certains moteurs).
C’est dans ce contexte que l’Europe a décidé, en février 2016, de permettre aux constructeurs automobiles de dépasser la norme « Euro 6 ». Les voitures pourront émettre jusqu’à 110 % de plus d’oxydes d’azote que le seuil légal initialement fixé à 80 mg/km. En Europe, quelques 600 000 décès annuels seraient à mettre en liaison directe avec la pollution atmosphérique. Ce vote témoigne de l’énorme collusion entre les grandes entreprises et les institutions européennes.
Le Traité Transatlantique (TTIP), un traité mortifère
Depuis plusieurs années, l’Europe institutionnelle travaille sans soucis de clarté à la mise en place d’un traité de libéralisation des échanges commerciaux avec les États-Unis. Ce traité ne vise pas une simple réduction des droits douaniers, il consiste à supprimer tout ce qui pourrait entraver la marche du profit des entreprises transnationales. Parlant d’une offensive dérégulatrice contre les travailleurs et la démocratie, l’organisation « war on want » relève à travers une publication les enjeux forts de ce traité : « Le TTIP vise à créer de nouveaux marchés en ouvrant les services publics à la concurrence des sociétés transnationales, provoquant de nouvelles privatisations dans des secteurs clés comme l’éducation et la santé. le TTIP impliquerait l’abaissement ou la suppression de normes sociales, de réglementations écologiques, des règles sanitaires sur les aliments et des réglementations sur l’utilisation de substances chimiques toxiques. »
Outre un abaissement possible des normes sur les pesticides, le TTIP permettrait, par exemple, l’importation d’animaux de boucherie américains lavés avec des solutions chlorées…
« Le TTIP accorderait aux «investisseurs» étrangers le droit d’entamer des poursuites contre les gouvernements souverains devant un tribunal arbitral privé en cas de perte de profit résultant de décisions de politique publique ». Le volet spécifique et novateur de ce traité, s’il devait être voté, élèverait une multinationale au même rang que l’État-nation. Le clairvoyant économiste Pierre Defraigne affirme que ce traité ultralibéral détruira économiquement notre continent : « L’ Amérique va bien sûr bouffer l’Europe, et toutes ses restructurations se feront au profit des actionnaires des groupes américains ».
Sans l’Europe Institutionnelle, ce serait pire ?
Des discours et des mises en garde sont souvent prononcés à l’encontre des nations ou des partis qui montreraient des velléités d’affranchissement à l’égard de l’Europe institutionnelle. Une volonté d’indépendance qui trouverait notamment sa source dans l’entêtement des institutions à imposer invariablement l’austérité et des traités abjects à tous les États membres en difficulté.
Du point de vue de Guy Verhofstad, chef de groupe libéral au Parlement européen : « Un État seul ne peut en rien peser sur le cours des choses… Dans un schéma de marchés et d’économie mondialisés, seule l’Europe peut contrôler ces marchés et empêcher d’autres crises… »
Un fait est clair, si l’Europe institutionnelle s’obstine à ratifier des accords scélérats, à poursuivre son jeu d’entremise avec des multinationales, à faire preuve de complaisance à l’égard d’organismes bancaires rapaces, à déconsidérer le sort des citoyens tout en continuant à se gaver, ce seront des mouvements sociaux sans précédent qu’elle aura à gérer !