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On vivrait très bien sans voter, si l’on avait la sûreté, l’égalité, la liberté. Le vote n’est qu’un moyen de conserver tous ces biens. L’expérience a fait voir cent fois qu’une élite gouvernante, qu’elle gouverne d’après l’hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté si le peuple n’exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote je n’exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il s’agit donc de savoir si le résultat cherché est atteint, c’est à dire si les pouvoirs sont controlés, blâmés et détrônés dès qu’ils méconnaissent les droits des citoyens.

On conçoit très bien un système politique, par exemple le plébiscite, où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu’à être assuré que le maître n’est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C’est dire que je ne changerai pas mes droits réels pour un droit fictif.

Or la proportionnelle m’offre un droit fictif, qui est de choisir pour mon compte, entre trois ou quatre partis, quel sera le parti-tyran. Mais que ce soit selon mon choix ou selon un autre, le parti-tyran sera toujours tyran, et mes droits toujours diminués. Dès que le député dépend plus d’un journal ou d’un comité, et moins de l’électeur, la liberté est menacée. La liberté de tous.

Ce que j’appelle liberté, c’est la dépendance étroite de l’élu par rapport à l’électeur. C’est d’après cela seulement que je juge un système électoral. En termes bien clairs, il s’agit pour moi d’empêcher que les riches ajoutent le pouvoir politique au pouvoir économique qu’ils ont déjà. Or, avec les Partis et la Haute Politique, je suis assuré que les riches gouverneront. »

Alain, Propos (6 décembre 1912)

Diktacratie